In Print: Architecture d'Aujourd'hui
texte : Lamia Oualalou
Selon le Comité olympique international, les jeux de Rio de Janeiro en 2016 sont ceux qui laisseront le plus grand héritage depuis ceux de 1992 à Barcelone. Le centre-ville a en effet déjà fait l’objet d’un lifting spectaculaire. Mais la logique de privatisation urbaine adoptée par la municipalité au détriment d’une politique sociale n’est-elle pas trop cher payé ?
C’est devenu l’une des promenades préférées des Cariocas, les habitants de Rio de Janeiro : se rendre à la Place Maua, en plein centre-ville, pour un pique-nique au pied des palmiers impériaux. À la fin de la journée, tous se font prendre en photo lovés dans une des lettres gigantesques composant le mot « Cidade olimpica », « Ville olympique ». Inaugurée début septembre, la nouvelle place flatte l’orgueil des Cariocas. Il y a seulement trois ans, la région portuaire était coupée par le « Perimetral », un viaduc de quatre voies qui longeait le port et traversait toute la zone nord de la ville. Nul ne croyait alors à sa destruction dans le centre-ville, promise par le maire Eduardo Paes, et sa substitution par un tunnel. Place Maua, touristes et cariocas découvrent enfin une ville qui s’ouvre sur la baie de Guanabara. Une jetée artificielle accueille le Museu de Amanha, signé par l’architecte espagnol Santiago Calatrava dont l’inauguration, maintes fois repoussée, est prévue pour le dernier trimestre de 2015. C’est de la terrasse d’un autre musée, le MAR, ouvert en mars 2013 et dédié à la ville de Rio, qu’on a le meilleur point de vue sur la place.
Franche réussite, la place Maua se veut le symbole de la renaissance du centre-ville en décadence depuis les années 1970. Outre la redécouverte de divers palais de l’époque impériale, auparavant camouflés par le viaduc, l’opération urbaine baptisée « Port Merveilleux » a permis de déterrer le quai où débarquaient des siècles durant les navires négriers, ainsi que les magasins où ils étaient vendus. Un tramway, encore en travaux, devrait permettre de faire le tour du centre-ville, où les voies piétonnes et cyclables se multiplient, alors que trois lignes de bus rapides à couloirs exclusifs, les BRT, ont pour mission de désengorger les routes, traversant la ville d’est en ouest et du nord au sud. L’extension de la ligne de métro devrait permettre de joindre le centre au quartier de Barra da Tijuca, l’extension moderne de Rio située à une trentaine de kilomètres à l’ouest du centre, et où est construit le village olympique.
Ce sont d’ailleurs les nouveaux moyens de transport, dans une ville qui s’est longtemps désintéressée de la question de la mobilité, qui a suscité l’enthousiasme de Thomas Bach, le président du Comité olympique international. Ces jeux « sont ceux qui laisseront le plus grand héritage depuis ceux de 1992 à Barcelone » à la ville hôte, a-t-il déclaré lors d’une cérémonie officielle à un an du coup d’envoi de la compétition en août dernier. « Quand la ville de Rio a été élue en 2009, seuls 13 % des habitants avaient accès aux transports publics. Ils seront 63 % après les Jeux », a-t-il assuré.
Pour l’heure, la population peine à le croire sur parole. Chaque trajet, dans cette ville transformée en chantier, est un chemin de croix. Les Cariocas passent désormais plus de temps dans les transports publics que les habitants de São Paulo, une mégalopole de 11 millions d’habitants. Et il n’est pas sûr que cela s’arrange après le passage de la torche olympique. Car le hiatus entre lieux de vie et de travail n’a fait que s’approfondir. La réhabilitation des 5 millions de mètres carrés de la région portuaire a été financée par un partenariat public-privé qui fait la fierté de la municipalité. « Mais il a aussi signifié une privatisation de la planification urbaine », regrette l’urbaniste Fabrizio de Oliveira, de l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Les consortiums en œuvre ont en effet privilégié les immeubles de bureaux, plus lucratifs aux bâtiments résidentiels, limitant au minimum le logement social. Or, le centre-ville de Rio de Janeiro concentre 38 % des emplois de la ville, et à peine 4 % des logements. La journée, c’est une fourmilière embouteillée, la nuit, un quartier fantomatique, donc peu sûr. En revanche, Barra et les quartiers environnants, le cœur des activités olympiques, n’accueille que 7 % des emplois de la ville. En 2013, plus de 31 % des logements mis en vente s’y concentraient pourtant. Une option d’autant plus préoccupante que la région ne dispose de quasiment aucune infrastructure, notamment sanitaire. La plupart des immeubles déversent leurs égouts dans la mer.
Le quartier symbolise par ailleurs le phénomène de « gentrification » que connaît toute la ville, où le prix du terrain s’est envolé de 260 % depuis 2009. Et ce ne sont pas les nouvelles constructions qui changeront la donne : le Village des athlètes, pas exemple, sera découpé en 3.604 appartements de luxe au lendemain des jeux, vendus jusqu’à 1 million de reais. C’est à ce prix que se négocieront les appartements des 23 immeubles de 22 étages qui surplomberont le nouveau terrain de golf construit à Barra. Rio de Janeiro possédait pourtant déjà un 27 trous considéré parmi les meilleurs du monde par la revue Gold digest. « Un investissement inutile, pour lequel la population n’a jamais été consultée », tonne l’avocat Joao Carlos Novaes, membre du comité « Golf pour qui ? » Il rappelle qu’il s’agissait auparavant d’une zone de protection environnementale, jusqu’à ce que le maire en change le statut. « Nous ne sommes pas contre les jeux, mais contre la façon dont cela a été fait, sans même parler de toutes les personnes qui ont dû partir de chez elles », ajoute-t-il. Comme à l’époque de la Coupe du Monde, les Jeux olympiques ont entraîné des déplacements forcés, plus de 20 000 familles depuis 2009. La favela de la Villa Autodromo, qui borde le futur village olympique, a ainsi été vidée de 80 % de ses habitants, selon Altair Guimaraes, le président de l’association des résidents. « La favela ne gêne en rien le village, mais elle dévalorise les futurs logements de luxe », pointe-t-il.
La Rio de Janeiro qui apparaîtra sur les écrans du monde entier en août prochain sera sans doute plus belle et plus moderne, mais elle promet aussi d’être plus injuste. « Les Jeux nous laisseront encore plus d’inégalités en héritage », se désole Fabrizio de Oliveira. Pour lui, en acceptant le discours de la ville mondialisée, transformée en vitrine pour touristes et investissements, la ville tourne le dos à ses véritables priorités. « Les plus pauvres vivent de plus en plus loin, à quatre-cinq heures de transport, avant, ils n’avaient qu’un petit revenu, maintenant, ils n’ont même plus le temps d’étudier, de se reposer, de vivre », conclut-il.
Article Translated from French :
According to the International Olympic Committee, the games in Rio de Janeiro in 2016 are those that leave the greatest legacy from the 1992 in Barcelona. The center has in fact already been the subject of a dramatic facelift. But the urban logic of privatization adopted by the municipality at the expense of a social policy, is it not too expensive paid?
It became one of the favorite walks of Cariocas, the inhabitants of Rio de Janeiro travel to Maua Square in the city center, for a picnic at the foot of the imperial palm trees. At the end of the day, all pose for a picture nestled in a huge letters forming the word 'Cidade olimpica "," Olympic City ". Inaugurated early September, the new site flatter the pride of the Cariocas. There are only three years, the port area was cut off by the "Perimetral," a four-lane viaduct that ran along the port and crossing the entire northern area of ??the city. No one then believed to destruction in the city center, promised by Mayor Eduardo Paes, and its substitution by a tunnel. Maua Square, tourists and cariocas finally discover a city that opens to the Guanabara Bay. An artificial pier houses the Museu de Amanha signed by the Spanish architect Santiago Calatrava whose inauguration, repeatedly postponed, is scheduled for the last quarter of 2015. This is another of the museum terrace, MAR, opened in March 2013 and dedicated to the city of Rio, which has the best view on the square.
Great success, instead Maua wants to be the symbol of the rebirth of downtown in decline since the 1970s Besides rediscovering various palaces of the imperial period, previously hidden by the viaduct, urban operation "Wonderful Port "has unearthed landed the dock where for centuries the slave ships and the stores where they were sold. The tram, still under construction, is expected to go around the city center, where walking and cycling routes are increasing, while three lines of fast bus exclusive lanes, BRT, have the mission to decongest the roads, crossing the city from east to west and from north to south. The extension of the metro line is expected to join the center at Barra da Tijuca, Rio's modern extension located about thirty kilometers west of the center, and where the Olympic village is built.
They are also the new means of transport in a city that has long lost interest in the issue of mobility, which aroused the enthusiasm of Thomas Bach, President of the International Olympic Committee. These games "are those that will leave the greatest legacy from the 1992 Barcelona" to the host city, said he was at an official ceremony to kick off the year of the competition in August. "When the city of Rio was elected in 2009, only 13% of the population had access to public transport. They will be 63% after the Games ", he assured.
For now, people hardly believe his word. Each path in this city turned into a construction site, is a cross. Cariocas now spend more time in public transport that the inhabitants of São Paulo, a megalopolis of 11 million inhabitants. And it is not sure that it arranges after the passage of the Olympic torch. Because the gap between where people live and work has only deepen. Rehabilitation of 5 million square meters of the port area was financed through a public-private partnership that is the pride of the municipality. "But it also meant privatization of urban planning," regrets the planner Fabrizio de Oliveira, of the Federal University of Rio de Janeiro. Consortia have implemented special purpose office buildings, most lucrative residential buildings, minimizing social housing. Now the city of Rio de Janeiro concentrates 38% of jobs in the city, and only 4% of homes. The day is an anthill bottled night, a ghostly area so insecure. However, Barra and the surrounding neighborhoods, the heart of the Olympic activities accommodates only 7% of jobs in the city. In 2013, over 31% of homes for sale yet it focused. An option of particular concern that the region has virtually no infrastructure, including health. Most buildings dump their sewage into the sea.
The area also symbolizes the phenomenon of "gentrification" that knows all the city, where land prices soared by 260% since 2009. And these are not new construction that will change the situation: the Athletes Village, no example, will be cut in 3604 luxury apartments after the games sold up to 1 million reais. This is the price that will trade the apartments of 23 buildings of 22 floors surplomberont the new golf course built in Barra. Rio de Janeiro, however already had a 27 holes considered among the best in the world by the magazine Digest Gold. "An unnecessary investment, for which the population was never consulted," ton lawyer Joao Carlos Novaes, committee member "Golf for whom? "He recalls that previously was an environmental protection zone, until the mayor in exchange status. "We are not against the games, but against the way it was done, not to mention all the people who had to leave their homes," he added. As in the days of the World Cup, the Olympics have led to forced displacement, more than 20,000 families since 2009. The favela of Villa Autodromo, which borders the future Olympic Village, has been emptied of 80% the inhabitants thereof, Altair Guimaraes, president of the residents association. "The favela discomfort in no way the village, but it devalues ??future luxury housing", he advanced.
The Rio de Janeiro that will appear on screens around the world in August will probably be more beautiful and modern, but it also promises to be more unfair. "The Games will leave us even more inequality in inheritance," laments Fabrizio de Oliveira. For him, accepting the discourse of globalized city, transformed into a showcase for tourists and investment, the city turns its back on its true priorities. "The poorest people are living longer and further, to four to five hours of travel, before they had a small income, now they do not even have time to study, rest, live, "he concluded.